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R.I.P. cookies ✞ Quelle direction pour la programmatique désormais ?

Un champ de ruines, autour des Gafas.

Et particulièrement autour de Google.

C’est ce que certains appréhendent en imaginant le paysage de la programmatique en 2022.

L’AdTech avait pourtant tout pour plaire. Lorsque j’ai quitté la vente d’espaces publicitaires en 2012, la page des adnetworks se tournait pour laisser place à la modernité. Exit les réseaux publicitaires en cascade, les dealers de PAP et les diffusions non contrôlées.

Le RTB annoncait un avenir radieux pour les annonceurs, un nouvel eldorado rempli de belles promesses : des meilleures performances en premier lieu, mais aussi une réassurance et un meilleur contrôle sur les investissements publicitaires online après les folles années du display « branding » 😉, de la fraude au clic, des arbitrageurs et des packs de diffusions pour le moins « aléatoires » chez les régies web display des années 2000 à 2010.

Mais 10 ans après, le constat est sans appel. Une nouvelle page publicitaire se tourne, à nouveau il va falloir se réinventer.

Le 15 Janvier 2020, Google annonce la fin de la récré. Il bloquera les cookies tiers sur son navigateur Chrome d’ici 2022.

Le marché de l’AdTech a tremblé. Le rouleau compresseur Google en veut plus.

Mais pourquoi Google est il si vorace ?

En réalité, le secteur envoyait déjà des signaux clairs dès 2017. les préoccupations liées à la protection des données et à la vie privée des internautes se sont progressivement accrues et les mesures anti-tracking se sont enchaînés.

En Septembre 2017, en particulier, Apple lance ITP (Intelligent Tracking Prevention), son programme anti-tracking destiné à bloquer une partie des cookies au sein de son navigateur Safari dans le but de protéger les utilisateurs des pratiques publicitaires et des risques de data leakage (fuite des données).

Un Gafa. C’est donc un Gafa qui avait envoyé l’un des premiers signaux. Et c’est une réalité économique. Plus on détient de valeur, plus on la protège. Apple avait déjà commencé avec Safari, il n’y avait qu’un pas avant que Google s’y mette avec Chrome.

(A l’époque Chrome avait déjà l’actif pour imposer sa loi, avec 63% du marché. Si Google a attendu Janvier 2020 pour annoncer la fin de vie des cookies tiers, ce n’était donc pas une question de pénétration du marché, mais certainement de maturité technologique, on y reviendra plus tard dans l’article…)

Par ailleurs, Google avait déjà phagocyté le marché du search marketing quelques années auparavant, il était logique que la suite les pousse désormais sur le marché du RTB pour adresser une solution publicitaire complète.

La suite s’enchaîne :

  • Mai 2018 : le Règlement Général sur la Protection des Données entre en vigueur pour renforcer le droit des personnes et responsabiliser davantage les acteurs traitant des données.
  • 2019 : Mozilla bloque les cookies tiers sur son navigateur Firefox
  • 14 janvier 2020 : la CNIL publie son projet de recommandation sur les modalités du consentement, préconisant aux éditeurs d’offrir à l’internaute le choix de consentir ou non à la pose de cookies par le biais de 2 boutons : « Accepter » et « Refuser » (à l’inverse des bannières de consentement actuelles qui incitent davantage à consentir au dépôt de cookie)

Et le 15 Janvier, le lendemain de cette annonce de la CNIL, Google fait son annonce.

Le marché de la publicité digitale est officiellement sur le point de basculer vers un nouvel écosystème sans cookie tiers et doit se réorganiser intelligemment pour pérenniser son modèle économique.

Toutes les strates de la programmatiques sont chamboulées.

Les conséquences pour toute la chaîne alimentaire

  1. L’annonceur

Les annonceurs sont confrontés à un nouveau défi, celui de la pérenité de leurs investissements publicitaires et de la granularité de l’analyse dans la gestion de leurs activités publicitaires sans cookies. Les cookies tiers interviennent en effet dans la mesure des campagnes, des parcours utilisateurs (analytics) et du suivi de l’attribution.

2. Les plateformes programmatiques et trading desks

Parcequ’une partie de la valeur ajoutée se situe dans les différentes données exploitées par les trading desks pour optimiser leurs achats (first party data, données éditeur et third party data), ceux ci vont évidemment être touchés par la disparition des cookies 3rd party.

Par ailleurs, les DSP utilisent des identifiants qui s’appuient également sur ces cookies. Avec la disparition des cookies, il sera donc impossible de monétiser les espaces publicitaires de manière optimale en adressant des annonces personnalisées.

Le capping et l’attribution affectés

Certaines techniques utilisées pour optimiser les performances des campagnes pourraient en outre perdre leur efficacité voire disparaître en même temps que les cookies tiers. C’est notamment le cas du frequency capping qui permet de contrôler la pression marketing (répétition et fréquence des messages). Or, une publicité digitale sans capping reviendrait clairement à une régression de l’écosystème à l’heure où le respect de l’utilisateur est au cœur des préoccupations de l’industrie, avec en prime : une montée de l’ad blocking.

Fournisseurs de technologies publicitaires cookie-based

Remarketing, Données probabilisées…Certaines technos ad tech (DSP, SSP, CRM onboarding, fournisseurs de data) reposent sur l’utilisation des cookies tiers pour le suivi et la reconnaissance de l’utilisateur.

3. Les éditeurs

Suite à la disparition du cookie tiers, les éditeurs vont très probablement perdre une part importante de leurs revenus : jusqu’à 52% de leur chiffre d’affaires, c’est Google qui le dit.

Coup dur en sus de la part Google, qui coupe désormais la diffusion adsense chez les éditeurs qui ne recueillent pas le consentement cookies. (c’est en marche…)

Drôle de coïncidence vous ne trouvez pas ?

Quelle évolution pour la publicité digitale désormais ?

Quel chamboulement en 20 ans.

Ce ne sont même plus des années chiens, mais véritablement un film en avance rapide.

Et avec un peu de recul, l’évolution parait assez logique.

A la préhistoire du digital advertising, avant les cookies tiers, les marques choisissaient où acheter de l’espace publicitaire en fonction du contexte. (Par exemple, je suis une assurance auto, il est pertinent pour moi d’acheter des emplacements sur les éditeurs qui traitent de l’actualité auto.) Les régies de l’époque avaient donc segmenté les packages publicitaires en agrégeant des inventaires et des sites par verticales contextuelles.

Avec l’évolution de l’Adtech, les annonceurs ont ensuite privilégié l’audience. C’était d’ailleurs bel et bien la promesse de la programmatique. Une publicité ciblée et performante. Les DSP ont donc permis aux annonceurs de pubber sur leurs personas (critères socio-démo etc) et leurs comportements.

Troisième épisode de la saga du digital advertising, c’est la la fin des cookies tiers, et cela soulève de nouvelles interrogations. Plusieurs pistes sont évoquées :

1. L’identifiant unique

Parmi les pistes évoquées, celle de l’ID unique. Pour certains spécialistes du secteur, « c’est plié », la solution de l’avenir sera bien celle de l’ID unique. Cette solution permettrait aux régies de proposer aux annonceurs une donnée qualitative et exclusive et aux annonceurs de continuer à adresser des publicités personnalisées.

Quand on voit la diversité des initiatives actuelles, ID5, PassMédia, Alliance Gravity, Skyline…difficile cependant d’imaginer l’ensemble de la chaîne qui parvient à adopter conjointement un procédé unique standard.

 Ou alors, si j’osais…un standard imposé par une grande puissance…Google par hasard 😉 qui pourrait mettre tout le monde dans le rang.

Il faut bien reconnaitre par ailleurs que certains acteurs Mar/AdTech commencent à faire une percée importante et disposent de belles ressources pour imposer leur solution.

Liveramp, notamment, suite à la cession de leur division Marketing Solutions d’Acxiom (AMS) pour 2,3 Milliards de dollars, disposent maintenant du cash nécessaire pour appuyer le déploiement de leur solution.

Et la solution est belle. Liveramp connecte déjà à 750 plateformes marketing digital et fournisseurs de données…Une bonne lancée donc.

2. FLOC – Federated Learning of Cohorts (FLoC)

Le FLoC, pour Federated Learning of Cohorts, permettrait via les navigateurs d’adresser une publicité basée sur les intérêts d’un groupe de personnes.

En bref, l’annonceur choisit un comportement de navigation d’individus réunis au sein d’une même cohorte (ou « troupeau »), c’est à dire de personnes similaires.

Pour résumé, c’est le principe initial du lookalike de Facebook.

Déjà actuellement, les intérêts sont généralement déduits en observant les sites ou les pages visitées, ce qui repose sur le suivi via cookies tiers.

Le FLoC permettrait de pubber désormais sur des groupes de personnes ayant des habitudes de navigation similaires.

Les technos proposeraient à l’avenir donc de pubber en fonction des habitudes de grands groupes plutôt qu’à partir de l’activité d’individus spécifiques. Le ciblage des publicités pourrait alors être partiellement ou complètement basé sur le groupe auquel appartient la personne.

Les navigateurs constitueraient donc des groupes en rassemblant des personnes ayant des intérêts assez similaires et en produisant des étiquettes adaptées au machine learning. Et le procédé ne révèlerait pas d’informations trop personnelles lors de la création des groupes ou de leur utilisation. Le navigateur met à jour la cohorte au fil du temps, au fur et à mesure que son utilisateur navigue sur le web. La valeur est mise à la disposition des sites web par le biais d’un indice client.

En revanche, je suspecte que ce soit la direction que Google a scénarisé pour l’évolution de la publicité digitale.

Pourquoi ?

Parceque le principe et la terminologie de cohortes sont déjà apparus en béta depuis un moment sur un autre produit Google…un outil qui collecte de la donnée, et qui s’adresse…devinez à qui ?

Aux annonceurs. Le début de la chaîne de l’AdTech.

Et oui, je parle d’Analytics.

Concrètement sur mon Analytics, cela se trouve dans l’onglet principal AUDIENCE, en béta :

Et cela donne quelque chose qui ressemble à un tableau de suivi de churn :

Bref, mon intuition me pousse à penser que c’est la direction Google, c’est à dire la direction du marché.

3. Le SSO (Single Sign-On) pour un ciblage cross-site

Ici c’est l’e-mail qui permettrait une connexion partagée via un SSO et permettrait par la suite le ciblage cross-site. Cela implique une centralisation des données.

Après tout, le Google Oauth et le Facebook Oauth sont très largement répandus. Mais de là à une mutualisation des données globales d’internet, difficile à imaginer. D’autant que cela pose un sérieux sujet de sécurité.

4. Le Edge computing

Je ne vais pas m’étendre dessus, car le procédé n’est valable que pour un site donné (par une segmentation et un stockage local sur le device utilisateur).

Conclusion

Cette évolution de l’Atech et plus globalement de la publicité digitale semble aussi passionante qu’incertaine pour tout le monde.

Il va falloir se réinventer, comme toujours depuis les débuts de la publicité digitale.

Si le marché publicitaire a toujours su évoluer en faisant preuve d’ingéniosité, l’évolution des outils et méthodes de tracking nécessaires au contexte actuel, au delà du consensus qu’elle représente, va nécessiter de nombreuses remises à niveau technologiques.

Facile lorsque l’on s’appelle Google, mais le contexte covid et l’affaissement actuel des budgets publicitaires mettent déjà actuellement en difficulté plusieurs acteurs du marché.

On peut facilement imaginer que la nouvelle page qui se tourne va laisser sur le carreau les plus fragilisés, pendant que les autres vont continuer d’innover. La loi de l’évolution.

Quoiqu’il en soit, on imagine aisément que depuis un moment déjà, les cerveaux Google ont scénarisé toutes les alternatives et planifié la suite grâce à l’emprise dont Google dispose sur l’ensemble de la chaîne à la dois du circuit Adtech mais aussi en terme de reach média sur leurs différents services (Google, Youtube, Chrome, maps…). De quoi soulever des questions philosophiques pour certains.

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